Le clairon du cessez-le-feu sonna sur le front de la terrible guerre... L'armistice était signé !
Directeur départemental de l'ONACVG, M. Davatchi n'a pas voulu, dans sa brillante, passionnante et inédite conférence du 7 novembre, s'en tenir à la seule narration anecdotique des faits, à "la petite histoire de l'armistice" mais analyser et faire s'interroger les très nombreux auditeurs.
Depuis novembre 1917, Clemenceau* est à nouveau président du Conseil (chef du gouvernement de Poincaré),
Depuis mai 1918, le maréchal Foch dirige le commandement unifié des alliés,
Depuis septembre , dans une clairière de la forêt de Compiègne, deux convois parallèles sont cachés. Dans l'un, l' Etat Major interallié et dans l'autre des représentants de l'Empire allemand.
Au petit matin du 11 novembre, dans leur wagon-salon, le maréchal Foch et le général Weygand assistés des amiraux britanniques Wemys et Hope obtiennent du ministre d'Etat Erzberger à la tête des plénipotentiaires allemands, la capitulation du II° Reich, aux conditions draconiennes des alliés.
12 pages dactylographiées aux 34 articles en 6 chapitres "officialisent" la fin de la guerre !
Wagon de l'armistice.
Pourquoi et comment en est-on arrivé à cette signature ?
En France comme en Allemagne monte un profond désir de paix. Dès septembre 1918, des tractations diplomatiques se mettent en place ...
- Clemenceau et Foch constatent que l'ennemi est vaincu sur le terrain après le recul allemand d'août 18 et que la lassitude gagne du terrain . "Nous devons cela à nos 1,5millions de morts" affirment de leur côté Poincaré et Pétain qui prônent l'écrasement total de l'Allemagne et la libération de tout le territoire . L'union sacrée semble se lézarder...
Clemenceau Foch
- Les généraux allemands, conscients que le front ne tiendra pas (20% de désertions) et que la situatin est perdue sur le terrain, demandent aux civils de s'engager vers la paix ; l'armée passe sous le contrôle du gouvernement. Mais la situation devient peu à peu chaotique dans le pays : situation sociale dramatique (pillages, famine...) et violents affrontements politiques : " le Riech n'est pas vaincu sur le champ de bataille" et" les traîtres de novembre" sont les politiques, les juifs, les démocrates"... Abdication officielle du Kaiser Guillaume II, la République est proclamée...
Kiel: manifestations du 4 novembre 1918.
Kaiser Guillaume II.
- A cela s'ajoute la politique ambiguë des USA : le président Wilson se présente comme l'arbitre entre le peuple germanique et les peuples alliés. Il tente de convaincre politiques et militaires alliés qui lui opposent un refus catégorique. Clemenceau et son homologue britannique Lloyd George sont convaincus que chaque jour qui passe renforce un peu plus le poids des USA.. A noter que les USA ne signeront jamais le Traité de Versailles du 28 juin 1919 mais une paix séparée !
Thomas Woodrow Wilson.
Est-ce, dès lors, vraiment la fin ? Est-ce la sortie de la guerre ?
- Sur le front se mêlent incrédulité - est-ce une reddition complète ? ...intense émotion ... charivari mais aussi un silence assourdissant...
- A l'arrière, c'est la communion et l'allégresse internationale, les cloches et les drapeaux, la fête ! Mais cette immense joie de la victoire et de la paix est mêlée de profonde tristesse en songeant au 1,4 million de morts, aux veuves et aux orphelins !
Paris en liesse.
- L'épidémie de grippe espagnole sévit faisant de 200 à 400 000 victimes ; en Lozère, venue de Villefort et Florac en septembre 18, elle provoquera 1600 décès dans le 2° semestre ( Emile Joly, maire de Mende en mourra en décembre 18)....
- la guerre se poursuit à l'Est, en Pologne, Ukraine, Autriche-Hongrie, Turquie...Entre 1918 et 1923, 24 conflits éclateront tout comme des révoltes coloniales...
- la carte politique de L'Europe est bouleversée : des empires s'effondrent...le Communisme apparaît...
- 10 ans de reconstruction : 900 morts par jour et pendant 4 ans... la guerre laisse des traces innombrables dont certaines ineffaçables, démobilise les esprits et sa violence contamine vie et rapports sociaux... Le retour à la civilité est "lourd", difficile pour les combattants rescapés, "les gueules cassées"... le pays est exangue ... rancoeurs et pacifisme se mêlent étrangement.
"Un peuple effondré, un peuple éploré...La France fière mais cabossée et à jamais transformée"
"Honneur à nos grands morts qui nous ont fait cette victoire [...] Quant aux vivants [...] grâce à eux, la France, hier soldat de Dieu, aujourd'hui soldat de l'humanité, sera toujours le soldat de l'idéal" s'écrie Clemenceau dans son discours ovationné par les députés.
Mais, chacun se doute bien de l'arbitraire même si ce jour est "sacralisé", c'est un cessez-le-feu (36 jours renouvelables et non un traité de paix), une convention provisoire ; c'est comme un temps suspendu entre guerre et paix, ce 11° jour du 11° mois à la 11° heure de l'an 1918.
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Pour aller plus loin...
* Clemenceau (28-09-1841 en Vendée / 24-11-1929 à Paris), président du Conseil de 1906 à 1909 puis de 1917 à 1918, surnommé " Le Tigre" et /ou "Le Père la Vctoire".
Ce serait Georges Clemenceau lui-même qui a imposé en mars 1884, dans les colonnes de son journal "La Justice" l'écriture "Clemenceau" alors qu'à l'état civil, son patronyme comporte un accent aigu sur le premier "e". La prononciation comportant cet accent est toujours préférée !
Winston Churchill a dit de lui : " Dans la mesure où un simple mortel peut incarner un grand pays, Georges Clemenceau a été la France".
* Le wagon de l'armistice du 11 novembre 1918 a appartenu à l'Etat jusqu'en 1926...L'actuel n'est pas "l'original" mais s'inscrit dans la reconstitution du site en 1950.
* Lectures : (tous ces ouvrages sont disponibles au CERBB)
- GAZAGNE Jean-Marie. 1914-1918. Journal d'un régiment. Des hommes dans les tranchées. Editions De Borée. Octobre 2005.
- CERBB. Monuments aux Morts et plaques Commémoratives. Hommage aux enfants de Lozère morts pour la France. Bulletin n°33.Année 2013
- ROUVIÈRE Jean-Claude. 1914-1918.Le Mémorial lozérien. Les oubliés de l'histoire. Lou Païs. Octobre 2018
- JOLY Emile. (Maire de Mende de 1908 à 1918).Notes au jour le jour.Après 21 mois de guerre . Commune de Mende. Août 2018
Recherches illustrations et photos : © Daniel Mathieu.
Texte : © Pierrette Oziol.